Pourquoi le massage aide à gérer la douleur?

Extrait de mon travail de fin de formation "Massage holistique® et douleur chronique
 
Quelques éléments permettant  de mieux comprendre la douleur chronique et sa complexité.Massage holistique Liège


1.   Qu’est-ce que la douleur?
            Définir la douleur n’est pas si simple que nous pourrions le penser.
            Descartes la définissait comme « un système d’alarme dont la seule fonction est de signaler une lésion corporelle»
            Selon le Larousse, la douleur est: « Sensation pénible, désagréable, ressentie dans une partie du corps. Sentiment pénible, affliction, souffrance morale; chagrin »
Dans le langage courant, le mot douleur prend des significations diverses: maladie, blessure, trouble, peine, tristesse, souffrance, torture, deuil...

            L’Association internationale pour l’étude de la douleur (IASP) décrit la douleur comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite en des termes évoquant une telle lésion. La douleur est toujours subjective. Dès les premiers instants de la vie, tout individu apprend la signification de ce mot par l’expérience reliée à la blessure»3           
L’intérêt de cette définition est de ne pas réduire la notion de douleur uniquement aux causes qui peuvent la provoquer, et de l’accepter comme une réalité même si la cause physique n’est pas observable.
            Fondamentalement, la douleur a un rôle de signal d’alarme utile. Elle avertit l’individu que son corps est en danger et l’invite à réagir. Ce rôle est retrouvé dans l’ensemble du monde animal: un stimulus désagréable entraînera une réaction de défense.
            La douleur comprend une part cognitive et une part émotionnelle, elle est, par définition, un phénomène “psycho-somatique” au sens où il est un processus psychique en réponse à une agression somatique. Pas étonnant donc que les personnes réagissent différemment à la douleur.
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            Si la douleur est toujours une expérience négative, son degré d’acceptabilité reste variable selon certains critères comme la fréquence (une douleur brève est plus supportable qu’une douleur qui dure), l’intensité (on oppose les douleurs superficielles dites banales comme les petites brûlures ou les entorses aux douleurs profondes, voire insoutenables), et la possibilité d’être soulagée (certaines douleurs ne réagissent pas aux traitements).
            La difficulté est qu’elle ne peut être mesurée directement, qu’elle est invisible aux autres et qu’elle est modulée par toute une série de composantes.

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2.   Les composantes de la douleur
            Pour mieux comprendre la douleur, il est important de prendre en compte plusieurs composantes interdépendantes:
Composante sensori-discriminative4: Elle correspond aux mécanismes neurophysiologiques qui permettent le décodage de la qualité (brûlure, décharges électriques, torsion, etc.), de la durée et de l’évolution (brève, continue, chronique, récidivante, etc.), de l’intensité ou de la localisation des messages nociceptifs. Comme dans d’autres systèmes sensoriels, le décodage du message nociceptif n’est pas strictement proportionnel au stimulus et varie beaucoup selon les individus, voire chez un même individu selon les contextes.
Composante affectivo-émotionnelle: Donne à la douleur sa tonalité désagréable, pénible, insupportable… Les émotions et leur gestion peuvent moduler l’expérience douloureuse. Angoisse, stress, agitation, colère et impuissance sont des sentiments qui perturberont les systèmes modulateurs de la douleur et de sa mémorisation, ils amplifieront la douleur alors que les émotions agréables ont l’effet inverse.
Composante cognitive: La douleur n’est pas la traduction directe de l’état du corps; elle représente plutôt l’idée que le cerveau se fait d’une éventuelle lésion. Le terme cognitif désigne l’ensemble des processus mentaux (attention, diversion, anticipation, expériences antérieures douloureuses) qui accompagnent et donnent du sens à une perception en adaptant les réactions comportementales.
            Depuis les observations de Beecher5, on connaît l’influence de la signification donnée par une personne sur la perception de la douleur. En étudiant comparativement deux groupes de blessés, militaires et civils, qui présentaient des lésions identiques en apparence, il a observé que les militaires réclamaient moins d’analgésiques. En effet, le traumatisme et son contexte donnent des significations tout à fait différentes aux deux groupes de personnes. Comparativement positives pour les militaires (vie sauve, fin des risques du combat, bonne considération du milieu social, retour au domicile, etc.), elles sont négatives pour les civils (perte d’emploi, pertes financières, désinsertion sociale, etc.)
            Un autre exemple serait celui de deux personnes qui éprouvent une douleur lancinante dans la poitrine. Imaginons qu’une ait perdu son père d'un infarctus du myocarde et qui a peur d'en avoir un également. Son angoisse et son inquiétude abaisseront son seuil de tolérance à la douleur, si bien que tous les stimuli douloureux arriveront directement au cerveau. Si la seconde est un sportif qui fait du fitness, il imputera ses douleurs thoraciques à sa séance de la veille et se dira qu'elles disparaîtront spontanément après quelques jours. Comme il y prête peu d'attention, il relèvera son seuil de la douleur et la percevra moins6.
Composante comportementale: Elle englobe l’ensemble des manifestations observables chez la personne qui souffre (plaintes, mimiques, gémissements, postures antalgiques, etc.) et qui assurent la communication avec l’entourage.
            Des recherches anthropologiques ont montré l’influence de la culture, de l’éducation et de la religion sur la façon dont les individus et les peuples gèrent la douleur6b.
            Les réactions de l’entourage (familial, professionnel, soignant) peuvent aussi interférer avec le comportement du malade douloureux.

3.   Le chemin de la douleur
            Que se passe-t-il pour qu’un stimulus arrive au cerveau et génère une sensation et éventuellement une réponse motrice?

           


Prenons l’exemple d’un coup de marteau au pied: il provoquera l'excitation de récepteurs particuliers (dits nocicepteurs, du latin « nocere: nuire ») Ces terminaisons nerveuses très peu myélinisées sont susceptibles de signaler la douleur et se trouvent dans tous les tissus: la peau (c’est là qui se trouve la plus grande concentration de récepteurs), mais aussi les viscères et les muscles.
Le message est alors transmis par des fibres nerveuses jusqu'à la moelle épinière. Il existe plusieurs systèmes de transmission périphérique.
De la moelle épinière, le message arrive ensuite au cerveau où il devient réellement douleur. C’est là que s’élabore la perception qui permet de décoder la localisation et la nature de la douleur: coup, brûlure, piqûre, crampe...
Différentes réactions motrices vont accompagner la transmission du message douloureux: par exemple, retirer son pied.


(Image: Dr Noëlle Bernard)
            Certaines zones du cerveau seront plus impliquées dans la mémorisation de la perception en établissant une comparaison avec les expériences passées processus d’apprentissage). D’autres zones semblent plus impliquées dans les aspects émotionnels de la douleur et organisent les comportements pour faire face à la douleur.
            Selon la théorie de la porte (Gate Control System7), les neurones sensoriels transmettant des informations à la moelle épinière ne produisent pas immédiatement des sensations douloureuses parce que leurs actions peuvent être inhibées ou amplifiées par les signaux d’autres neurones sensoriels voisins, ou par les messages descendants en provenance du cerveau.
Exemple: le soulagement ressenti lorsqu’on frotte sur un coup de manière presque automatique ou la tape que donne une infirmière juste avant la piqûre afin que la douleur causée par l’aiguille passe inaperçue par l’individu.Massage holistique Liège

            Les chercheurs affirment que les messages du cerveau transmis à la moelle épinière peuvent aussi fermer ces portes d’entrée, car elles assimilent l’état émotionnel et psychologique de la personne, ce qui signifie que des états mentaux (tel que le calme ou au contraire l’anxiété) peuvent moduler les sensations de douleur provenant du système nerveux périphérique, les modifiant en favorisant ou atténuant la sensation douloureuse.
           
            Melzack et Wall ont identifié un certain nombre de facteurs susceptibles d’ouvrir ou fermer les portes à la douleur, et donc de la moduler.
Ainsi le calme, la détente, la relaxation et les émotions agréables de gaité ou joie, le sommeil ou la bonne hygiène de vie seraient des facteurs favorisant la fermeture des portes. De l'autre coté, l'inactivité physique, la focalisation sur la douleur, les facteurs de stress et d'anxiété ou les émotions désagréables favoriseraient l’ouverture de ces portes.
           
            Cette théorie explique le rôle important que peuvent jouer les sensations agréables et positives dans la gestion de la douleur.
Nous avons vu que le Massage holistique® apporte, entre autres, des sensations positives de bien-être et de plaisir avec une détente profonde et une diminution du stress et de l’anxiété. Mon hypothèse se base donc en grande partie sur la théorie de la porte.

            Selon Jean-Michel Lardry8 le massage peut déclencher des contre-stimulations au niveau de la peau et du cerveau qui fermeront totalement ou partiellement les portes permettant de diminuer la douleur, à condition bien sûr d’utiliser des mouvements et pressions adaptés à la sensibilité du sujet massé.
           
            D’autre part, l’organisme sécrète ses propres substances anti-douleur. Ce sont des morphines naturelles appelées endomorphines ou endorphines.
Le massage, en stimulant les centres cérébraux du plaisir, stimule la sécrétion de ces hormones qui ont des propriétés à la fois anxiolytiques, antidouleur (qu'elles bloquent en fermant la « porte »), antistress, psychostimulantes et même euphorisantes9
            Je vous invite à lire à ce propos le travail de Fabrice Mascaux en 2004 concernant la libération d’ocytocine lors du Massage Holistique®.

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3 Guilllemont C. Ma douleur, comment l’apprivoiser? Odile Jacob, Paris, 2012
4 Brochure Pratique du traitement de la douleur. Institut UPSA de la Douleur. Paris 2006
5 Peoch’h N. Les représentations sociales de la douleur chez les personnes soignées. L’Harmatan. Paris 2012
6b Le Breton D. Anthropologie de la douleur. Métailié, 1995
7 Guilllemont C. Ma douleur, comment l’apprivoiser? p 27, Odile Jacob, Paris, 2012

8 Jean-Michel Lardry. Place du massage dans le traitement de la douleur. Janvier 2005
9 Gérard Leleu. Communiquer pour vivre. Albin Michel, 1996